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GMichael

George A. MICHAEL
Docteur en Neuropsychologie
Professeur des Universités
Université Lyon 2
Dpt. Psychologie Cognitive & Neuropsychologie

E-mail: george.michael@univ-lyon2.fr


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3 février 2022 4 03 /02 /février /2022 11:32

La comparaison entre test et retest lorsque des données normatives sont disponibles :

3 cas de figure différents et leurs statistiques respectives

 

Le suivi des performances d’un patient est une situation fréquente en neuropsychologie, que cela concerne l’évolution d’une maladie ou les effets d’un traitement thérapeutique. Classiquement, le neuropsychologue a recours à une norme à laquelle il compare la performance de son patient. Il s’agit le plus souvent du calcul de la distance du patient par rapport à la moyenne de l’échantillon normatif, exprimée en unités (écarts) standardisées et représentée par la lettre z :

Dans cette équation simple, ti est le score obtenu par le patient lors de l’évaluation i, Ti représente la moyenne de l’échantillon normatif, et Si son écart-type. Si les informations données par le patient, sa famille, son dossier médical et les observations cliniques permettent d’émettre une hypothèse unilatérale (performance plus faible ou plus forte que celle de l’échantillon normatif), alors le seuil au-delà duquel une différence significative par rapport à l’échantillon normatif survient est de |1.65| (ce seuil est élevé à |1.96| pour une hypothèse bilatérale).

Une pratique courante lors d’évaluation successives d’un même patient (par exemple, phase t1 et phase t2) pour des raisons de suivi consiste à calculer sa performance lors de la première phase (z1) et conclure quant à la présence d’un éventuel déficit, puis à calculer sa performance lors de la deuxième phase (z2) et conclure aussi quant à la présence d’un éventuel déficit. Si par exemple z1 = -1.2 alors nous ne pouvons pas conclure quant à ale présence d’un déficit, et si z2 = -2.2 alors nous nous permettons de tirer deux conclusions : (a) que le patient a de faibles performances par rapport à l’échantillon normatif, et (b) que sa performance s’est détériorée entre les deux phases d’évaluation.

Alors que la première conclusion semble correcte, la seconde ne l’est pas. En effet, si nous désirons savoir si un changement s’est produit entre les deux phases d’évaluation, alors observer simplement ce qui se passe lors de chaque phase ne suffit pas. Répondre à la question de l’évolution de la performance dans le temps implique une comparaison statistique entre les deux phases d’évaluation. Il est en effet possible que la performance change en passant de t1 à t2, mais que cela soit simplement le fruit du hasard, ou que de tels changements et variations soient également observés dans les performances de l’échantillon normatif sans pour autant qu’il soit question d’amélioration ou de dégradation.    

Par conséquent, la comparaison des scores du patient à chacune des phases d’évaluation à une norme n’est que la première étape de l’analyse. La seconde consistera à comparer les performances entre t1 et t2 tout en prenant en compte l’échantillon normatif.

Il existe au moins 3 situations différentes : (i) malgré le temps passé entre les deux phases d’évaluation, l’échantillon de référence du patient reste inchangé, (ii) l’échantillon de référence est le même pour les deux phases, mais deux normes différentes existent, (iii) l’échantillon de référence n’est pas le même pour les deux phases, et ce sont des individus différents qui les composent. Les particularités de chacun de ces cas de figure sont examinées séparément.

 

  1. Un seul et unique échantillon de référence

Prenons le cas d’un patient qui se plaint de troubles mnésiques. Lors de la première consultation il était âgé de 65 ans. Nous disposons de plusieurs échantillons de référence, et celui qui correspondrait au mieux à l’âge de notre patient est l’échantillon âgé de 60 à 70 ans. Le patient consulte une seconde fois 9 mois plus tard. Il a toujours 65 ans (ou 66 ans tout au plus). Tant qu’il n’a pas dépassé l’âge de 70 ans, l’échantillon normatif de référence reste inchangé. C’est ainsi le premier cas de figure, assez fréquent, qui consiste à comparer les performances du patient entre la première et la seconde phase tout en le référant au même échantillon de référence.

Mellenberg & van den Brink (1998) proposent de comparer les deux évaluations en prenant en compte uniquement les scores obtenus par le patient et l’écart-type de l’échantillon normatif. La logique ici est de chercher à savoir si la différence entre t1 et t2 peut être incluse dans (et donc expliquée par) la variation des scores de l’échantillon normatif, variation donc normale. L’équation est la suivante :

 

 

t1 et t2 représentent, respectivement, les scores obtenus par le patient lors des 2 phases d’évaluation, et S l’écart-type de l’échantillon normatif.

Le z obtenu suit la loi normale et, ainsi, pour une hypothèse unilatérale de changement directionnel (amélioration ou détérioration de la performance, le seuil au-delà duquel un changement significatif survient est de |1.65| (ce seuil est élevé à |1.96| pour une hypothèse bilatérale).  

 

  1. Deux normes issues d’un seul échantillon de référence

Que se passe-t-il dans le cas où nous désirons comparer les performances de ce même patient à l’âge de 65 ans et à l’âge de 71 ans ? C’est le cas de figure où, par exemple, ce patient est suivi pour une pathologie neurodégénérative et nous souhaitons savoir si sa performance s’est dégradée depuis la première consultation. Ou bien, cela peut arriver d’avoir un patient qui avait 70 ans lors de la première évaluation et 71 à la suivante. Dans notre cas, nous disposons de normes pour les personnes de 60 à 70 ans et de 71 à 80 ans. L’utilisation de ces deux normes s’avère indispensable. Il existe dans la littérature clinique des études longitudinales ayant permis d’obtenir des normes chez les mêmes individus à différents âges. Mêmes rares, les normes issues de telles études sont importantes et peuvent être employées pour évaluer l’évolution des performances d’un patient dans le temps, à condition de respecter certaines règles : (a) tous les individus ayant participé à l’établissement des normes à t1 doivent participer à l’établissement des normes à t2. Ceci n’est pas toujours le cas car la perte est fréquente (par exemple, sortie d’un participant du protocole, décès d’un participant etc.) ; (b) disposer du coefficient de corrélation de Pearson entre les deux normes, permettant d’obtenir une image de la régularité avec laquelle les scores des individus de l’échantillon normatif évoluent entre t1 et t2.

La formule proposée par Payne & Jones (1957) semble la plus adéquate pour ce cas de figure. La logique est de calculer le z pour chaque phase d’évaluation, puis de prendre en compte la régularité du changement de l’échantillon normatif à travers le coefficient de corrélation :

 

 

 

et r12 est le coefficient de corrélation entre les deux normes.

Le z obtenu suit la loi normale et, ainsi, pour une hypothèse unilatérale de changement directionnel (amélioration ou détérioration de la performance, le seuil au-delà duquel un changement significatif survient est de |1.65| (ce seuil est élevé à |1.96| pour une hypothèse bilatérale).  

 

  1. Deux normes issues de deux échantillons de référence différents

C’est de loin le cas de figure le plus fréquent. En général, les normes dont nous disposons pour deux tranches d’âge différents sont issues d’individus différents. Ainsi, si nous désirons comparer les performances de notre patient au même test mais à des âges différents, l’utilisation des normes correspondantes peut s’avérer nécessaire si aux deux phases d’évaluation nous sommes obligés d’utiliser des normes différentes. Comparer les performances du patient à t1 et t2 demande ainsi (a) la comparaison du score à t1 à la norme correspondante, (b) la comparaison du score à t2 à la norme correspondante, (c) la comparaison de deux scores z précédemment obtenus.

À cet égard, l’équation proposée par Gourevitch & Galanter (1967) pour l’analyse des indices de détection du signal peut être employée. Elle permet de faire la comparaison requise tout en prenant en compte le fait que les deux scores z ont été calculés sur la base de 2 échantillons normatifs différents:

 

et

pi étant la probabilité à zi, qi étant 1- pi, ord(zi) étant l’ordonnée du pi à zi, et Ni le nombre d’individus constituant l’échantillon normatif i.

Le z obtenu suit la loi normale et, ainsi, pour une hypothèse unilatérale de changement directionnel (amélioration ou détérioration de la performance, le seuil au-delà duquel un changement significatif survient est de |1.65| (ce seuil est élevé à |1.96| pour une hypothèse bilatérale).

 

Les 3 analyses présentées permettent de tirer de conclusions claires quant à l’existence d’une évolution dans la performance du patient. Il est ainsi recommandé de les utiliser en complément du z classique employé pour situer le patient par rapport à l’échantillon de référence.

 

ASTUCE :

Demandez le fichier excel qui vous permet de réaliser ces 3 analyses sans effort : george.michael@univ-lyon2.fr

 

Références

Gourevitch, V. & Galanter, E. (1967). A significance test for one parameter isosensitivity functions. Psychometrika, 1967, 32, 25-33.

Mellenberg, G. J., & van den Brink, W. P. (1998). The measurement of individual change. Psychological Methods, 3, 470-485.

Payne, R. W., & Jones, G. (1957). Statistics for the investigation of individual cases. Journal of Clinical Psychology, 13, 115-121.

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